architecture urbaine

des vieilles maisons d'Aire

« L’architecture est le grand livre de l’humanité » (Victor Hugo. Notre-Dame de Paris), elle est aussi l’âme d’une ville. Lentement, au fil des siècles, s’est élaborée une lente et patiente alchimie. Mais la folie meurtrière des hommes a trop souvent détruit ce fragile équilibre; Guerres et révolution industrielle de ces deux derniers siècles ont défiguré nombre de nos cités.

Une petite ville comme Aire-sur-la-Lys a conservé une part de son charme parce qu’elle est restée, en partie, en marge du progrès économique. Et ce charme est originale : maisons anciennes où de révèle un sens étonnant des proportions de la polychromie, avec le rythme donné par les pilastres, les cordons de pierre, les corniches et les bandeaux qui ornent les façades pittoresques souvent enrichies d’une sculpture luxuriante.

On n’a souvent oublié de regarder la beauté des villes. Observateur attentif, Paul Valéry notait : « N’as-tu pas remarqué, en te promenant dans cette ville que, d’entre les édifices dont elle est peuplée, les uns sont muets, les autre parlent et d’autres, enfin qui sont plus rares, chantent. »

 

Depuis la fin du XIIe siècle, Are est une ville fortifiée. Alors que la campagne ouverte est régulièrement ravagée par les guerres, marchands et artisans, à l’abri des murailles, protègent leurs vies et leurs biens. Mais, ville frontière entre le royaume de France et les Pays-Bas espagnols, Aire va devenir aux XVIIe et XVIIIe siècles « le Champs de Mars » de la Flandre, soutenir quatre sièges sanglants et être l’enjeu de toutes les guerres : le temps de la sécurité à l’intérieur des murailles est révolu. Les bombes incendiaires ont terrorisé les bourgeois et détruit la ville. En 1710, Aire est un ruine : il faut reconstruire.

 

Heureusement subsistent encore aujourd’hui une vingtaine de maison aux façades antérieurs au XVIIIe siècle, particulièrement représentatives de l’urbanisme des XVIe et XVIIe siècles.

une maison à pan de bois et à encorbellement

 

Aire possède encore au n° 28 rue de Saint-Omer, une maison à plan de bois et à encorbellement. Petite maison type des demeures airoises avant le destruction d’une partie de la ville lors du siècle de 1710, elle date vraisemblablement de la fin du XVIe siècle.

 

A l’époque, les maisons étaient construites soit en bois (à colombage), soit en briques rouges. Celle-ci dut son salut à son mur de brique : une ordonnance interdisait alors de « réfectionner les vieilles maisons en bois ».

Le rez-de-chaussée, à plan de bois, donne à la maison solidité et stabilité : le mur en charpente combine poutres horizontales pour constituer la devanture d’une boutique.

L’étage en briques de Rosendael s’avance en encorbellement. Sur la façade, unie, trois fenêtres, en rentrait, présentent un arc de décharge en anse de panier ; le tympan, très simple, est en brique.

 

Les poutres de chêne foncé qui séparent le rez-de-chaussée de l’étage mettent en valeur la luminosité de la brique et donnent son charme à la maison.

Inscrite depuis 1948 à l’Inventaire des Monuments Historiques, elle fut rachetée en 1980 et fit l’objet d’un remarquable travail de restauration.

Boutique d’apothicaire, puis estaminet et quincaillerie, elle a ensuite était le siège d’un laboratoire d’analyses médicales.

une maison du XVIIe siècle

 

Les Façades des maisons du XVIIe siècle sont caractéristiques de l’architecture airoise de la conquête française.

Située au N°2 de la rue d’Arras, la maison voisine du Corps de Garde auquel elle s’adosse par son pignon, a été construite en 1638 comme l’atteste la date gravée dans le cartouche situé entre les deux grandes fenêtres de l’étage.

 

La décoration des trumeaux - pistolets croisés, mortier et pilon - laisse à penser que la maison servait de résidence au Capitaine de la Milice bourgeoise qui devait être aussi armurier.

Les fenêtres de l’étage donnent son caractère à la maison. Les petits carreaux irréguliers, montés au plomb, sont en harmonie avec ceux du Corps de Garde voisin. Chaque baie est surmontée d’un encadrement en forme d’arc surbaissé et d’un tympan richement sculpté. Les deux fenêtres centrales - les plus larges - s’ornent de très belles sculptures de fleurs et de feuillages. Quant aux deux plus petites, placées de part et d’autre, elles sont surmontées d’une élégante coquille.

Un joli Larmier à denticules court au sommet de la façade.

Inscrite à l’inventaire des monuments Historiques depuis 1948, cette maison symbolise une architecture qui va disparaître et faire place au classicisme français.

maisons du XVIIIe siècle

 

Vers 1700, sous l’influence française apparaît un nouveau style : c’est le début des « façades tramées », alternant baies et trumeaux de briques, achitraves richement décorées de rinceaux, pilastres ornées de jolies consoles.

Mais, inquiet de voir les reconstructions se faire sans ordre sans alignement, le Magistrat, impose, par l’Ordonnance du 17 novembre 1722, un plan d’urbanisme qui donnée à la ville un ensemble architectural particulièrement homogène.

 

Deux modèles de façade se dégrade alors dans Aire : les façades à pilastres réservées aux maisons de la Grand-Place, en harmonie avec l’Hôtel de ville, et les façades tramées, pour les autres places et rue d’Aire.

La maison située au n° 34 de la rue du Doyen et construite en 1779 par Célestin-Joseph Cleugniet est caractéristique de l’architecture urbaine du XVIIIe siècle à Aire.

Le rez-de-chaussée repose sur un solide soubassement de grès et s’ouvre sur une porte cochère en anse de panier.

 

La façade est ordonnancée par travées, alternant baies et trumeaux de briques. Les encadrements des fenêtres, en pierre, sont marqués en saillie et encadrent trumeaux et allèges. L’architrave ne comporte aucune sculpture.

La régularité de la façade est adoucie par l’alternance des couleurs. Les façades étaient badigeonnées régulièrement : les pierres au lait de chaux, les trumeaux n rouge, brique à brique. Ce souci n’était pas seulement esthétique. Les pierres branches employées dans le Nord sont toutes fragiles et gélives. Seul un entretien régulier peut retarder l’échéance du ravalement ou du remplacement.

Les maisons de la Grand’Place présentent une harmonie remarquable. La maison située à l’angle de la Place et de la rue Notre-Dame fut construite en 1778, « sur le goût moderne », par Védicien Thomas, marchand et fabricant de tabac.

L’immeuble présente un solide rez-de-chaussée en grès et deux étages en pierre, comme la plupart des maisons de la Grand-Place. Les pilastres partant du premier étage et se terminant sous la corniche par des chapiteaux corinthiens parfaitement semblables à ceux de l’Hôtel de ville. Bâtie sur un angles, la maison offre un plan coupé qui assure la continuité entre la Grand-Place et les rue Notre-Dame :

cordons de pierre, corniches, linteaux « règnent » avec ceux des maisons voisines.

Depuis le XVIIIe siècle, la façade n’a subi aucune modification. Si le magasin arbore toujours la carotte chère à Monsieur Nicot, il s’est enrichi, pour la plus grande joie des parieurs, de jeux divers.

C’est le soir qu’il faut admirer la Grand-Place, quand les pierres des façades baignent dans la lumière adoucie du couchant.

les maisons capitulaires de la place des Béguines

 

Les sièges de 1676 et 1710 détruisirent un grand nombre de maisons claustrales. Les revenus de Chapitre des chanoines servirent à reconstruire le Collégiale et les maisons situées autour d’elle, en particulier douze logis réservés au personnel capitulaire (du chapitre). Le délégué des échevins, Pierre le Moisne, demanda au prévôt que l’alignement de ces maisons fût parallèle à la caserne Saint-Pierre pour donner à la place des Béguines une forme carrée. Le chapitre accepta sous réserve qu’aucune ouverture ne donnât sur le cimetière.

Cet ensemble construit à partir de 1723 obéit au plan d’urbanisme de 1722. Chaque maison donne sur la Place des Béguines. Chaque pièce possède une cheminée, un plafond plâtré et un plancher.

 

Les maisons sont construites sur des caves voûtées et pavées de briques, éclairées et aérées par des soupiraux en vis-à-vis. Elles abritent puisard et souvent un puits. Un bâtiment annexe perpendiculaire à la façade renferme l’escalier, l’entrée de la cave la cuisine et une chambre à l’étage. Ces façades servirent de modèle aux constructions de la ville durant de XVIIIe siècle.

la maison du major de la Garde Nationale

 

Cette maison, située à l’angle de la rue Saint-Pierre et de la rue su Puits, faisait partie au Moyen Age du cloître des chanoines du Chapitre Saint-Pierre.

Au début du XVIIe siècle, elle appartenait à Jean de Dion, seigneur de Wandonne et fut vendue aux moines de l’abbaye Sainte-Marie au bois de Ruisseauville qui en firent leur refuge, notamment lors du siège de 1641 auquel ils prirent une part active. Abandonné par les moines, le refuge fut alors loué puis, en 1785, vendu, en très mauvais état, à Louis Antoine Jolly de la Viéville (Châtelain de Roquetoire, il deviendra, sous la Révolution, major de la Garde Nationale.) qui fit reconstruire à sa place un vaste hôtel particulier.

L‘hôtel fut vendu à plusieurs reprises avant être acheté en 1872 par les frères Hermary qui installèrent une huilerie dans la cour. Propriété de M. Cossart-Raoult, puis de M. Houssin, l’huilerie brûla en 1948. En 1986, les bâtiments furent rachetés par le « Logement Rural » qui transforma l’hôtel en immeuble locatif.

Actuellement, le vaste l’hôtel n’a conservé que les façades d’origine. L’intérieur a été totalement transformé.

Le premier et le deuxième étage de la façade nord présentent une symétrie rigoureuse : au premier étage des appuis de fenêtre à colonnades de pierre et, sous les fenêtres du second étage, une frise sculptée faite de six bandes de draperies dont les extrémités par un anneau.

La façade nord, en pierre blanche, surélevée, cache la toiture. Elle contraste avec la façade, en brique, de la place Saint-Pierre, beaucoup plus sévère.

la " maison à colonnes ", de style classique

 

Le classicisme triomphe au XVIIIe siècle. L’hôtel de ville d’Aire, construit entre 1716 et 1721, en est le symbole et l’architecture des maisons de la Grand-Place.

Cette forme d’art a trouvé en France une clientèle nombreuse. La riche bourgeoisie, formée à la discipline sévère du droit et des affaires, préfère l’effet obtenu par la régularité plutôt que par la surcharge décorative.

Cependant, jouissant de la « faculté seigneuriale », quelques nobles firent construire des immeubles dérogeant au modèle habituel. Sous la Restauration, vers 1820, la famille de Sars, de vieille noblesse artésienne, fait bâtir, rue de Saint-Omer, un hôtel particulier dans le plus pur style classique.

Est-ce le souci de la mesure, de bon goût, le désir de copier la Colonnade du Louvre ? Toujours est-il que la façade de cette maison est unique à Aire.

Sur un solide soubassement en grès, le rez-de-chaussée, surélevé et décoré de joints à refends, est surmonté d’un ordre colossal à six travées qu’encadrent sept colonnes ioniques cannelées.

Cet ordre ionique englobe l’étage noble et un étage supérieur formant l’attique. La colonnade est couronnée d’un entablement que souligne une forte corniche qui dissimule entièrement la toiture. Entre les socles des colonnes s’étire un balcon à balustres.

L’architecture classique exclut les courbes, les fioritures et la dissymétrie.

La « maison à colonnes » fournit un bon exemple de l’art classique : ordre et grandeur, équilibre et symétrie, sobriété des surfaces et des plans.

La maison " des têtes "

 

Située au cœur de la ville, au croisement de la rue du Bourg et la rue de Saint-Omer, la Maison de têtes attire l’œil par son aspect insolite.

La façade porte la date de 1865 qui marque l’achèvement des travaux de transformation de la façade.

La maison a été constituée par la réunion de deux maison voisines, reconstruites après le siège de 1710 :

les grès du soubassement, plus blancs à droite, l’attestent.

En 1858, Philippe Delbende, borloger-orfèvre, agrandit son atelier en achetant la maison voisine. Il entreprit de réunir les deux maisons par un seul toit et un seule façade dont il conçut lui même la structure et la décoration. Compagnon du Tour de France, il sculpta les ornements, la porte et les volets.

Une frises de nombreuses têtes sculptées, toutes différentes, constitue une étonnante galerie de portraits.

Fenêtres chargées de décorations et damiers de briques rouges et noires rythmant la façade.

Une belle porte de chêne sombre, sculptée dans la masse, respire l’opulence de la bourgeoisie de cette deuxième moitié du XIXe siècle.

Cet ordre ionique englobe l’étage noble et un étage supérieur formant l’attique. La colonnade est couronnée d’un entablement que souligne une forte corniche qui dissimule entièrement la toiture. Entre les socles des colonnes s’étire un balcon à balustres.

L’architecture classique exclut les courbes, les fioritures et la dissymétrie.

La « maison à colonnes » fournit un bon exemple de l’art classique : ordre et grandeur, équilibre et symétrie, sobriété des surfaces et des plans.

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