histoire & patrimoine

l'histoire

Le 1er juin 1191 ; Philippe d’Alsace, l’illustre signataire de la « Charte de l’Amitié » airoise, meurt au siège de Saint-Jean-d’Acre en Terre Sainte et la succession flamande revient alors à son beau-frère, Baudouin V de Hainaut ( Baudouin V de Hainaut devient VIII, comte de Flandre). Mais en 1180, ce nouveau Comte de Flandre avait marié sa fille, Isabelle de Hainaut, à un jeune homme borgne, rusé et redoutable : le Roi de France, Philippe Auguste. Il avait quinze ans, elle avait dix ans. Dans la corbeille de la mariée, Baudouin V abandonnait à son genre royal les villes d’Aire et de Saint-Omer.

Cette donation, véritable pomme de discorde, sera le prétexte d’une reconquête que Baudouin IX, le frère d’Isabelle, le successeur de Baudouin V, entreprendra dès 1196. Il veut récupérer les places importantes que sont Aire et Saint-Omer, tant et si bien que Philippe Auguste sera contraint de repousser une première fois les attaques de l’armée flamande.

 

C’est au cours de cette campagne défensive que « le Roi de France franchit la Lys sur un pont à Aire ». Mais en 1197, fort de sa pugnacité et de son entêtement « patriotique » Baudouin IV enlève avec succès les villes d’Aire et de Saint-Omer qui regagnent ainsi le giron flamand. Cette reconquête sera reconnue par la signature d’un traité de paix à Péronne, le 2 janvier 1200.

Baudouin IX est alors l’administrateur incontesté de la Flandre, du Hainaut et de l’Artois flamand ; et, c’est à cette époque que les marchands et Bourgeois airois, pour protéger leurs bien et leurs vies, fortifièrent la cité à l’instar de Gand et de Bruges, les grandes villes « drapantes ». C’était aussi un acte politique : Aire n’était plus un gros bourg rural mais une ville, une place stratégique importante et, de surcroît, les Bourgeois délimitaient géographiquement leur territoire. Désormais, l’entité administrative dévolue d’abord au château comtal, érigé au confluent de la Lys et de la Lacquette, était aussi représentées par une extension de l’espace urbain définitivement clos. Le périmètre des remparts enferme de nouveaux quartiers d’habitations, des couvents, des édifices cils et religieux mais aussi des vergers et des jardins. De cette unique enceinte médiévale construite vers 1200, on peut encore observer de la place de Castel, l’entrée de la Lacquette. Un plan de muraille avec sa « peau » de brique originelle est le témoin de la création de l’agglomération airoise intra-muros. Le tissu urbain immuable pendant sept siècles, ne sera bouleversé qu’en 1893, lors du démantèlement.

 

On sait aussi, que dés cette époque, des fossés poissonneux ceinturaient en partie les remparts puisque Baudouin IX concéda aux chanoines du Chapitre de la Collégiale tous les produits de la pêche dans les fossés situés entre la Lys et la porte de Saint-Omer.

Baudouin IX, ce prince cultivé, participa à la quatrième Croisade et devint même empereur de Constantinople. Il mourut en 1206 après avoir été fait prisonnier à la bataille d’Andrinople. La succession flamande connut à nouveau des péripéties au grand bénéfice du Capétien, Philippe Auguste. Son fils aîné, le prince Louis de France, veut reprendre le bien de sa mère, Isabelle de Hainaut, avait apporté en dot, c’est-à-dire les villes d’Aire et de Saint-Omer.

 

Par les armes, il réclame son dû : il fait le siège d’Aire et devant les menaces de son armée fortement équipée, les Airois puis les Audomarois capitulent et le nouveau Comte de Flandre, Ferrand de Portugal qui avait épousé Jeanne, la fille de Baudouin IX, restitue à la couronne de France les deux villes, le 25 février 1212.

 

Mais une coalition dans laquelle entrèrent Flamands, Anglais, Lorrains et Impériaux allemands se forma contre Philippe Auguste. Il avait incendié, en 1213, la ville de Lille , rasé les fortifications, détruit le château d’Erquinghem-sur-la-Lys, et démantelé Cassel.

Philippe Ausguste n’avait pas apprécié que son vassal, le Comte de Flandre, ne l’ait pas soutenu dans sa lutte contre Jean sans Terre, déposé par le pape pour avoir persécuté l’église anglaise. Le Roi de France s’était fait donner par Innocent III la mission d’appliquer la sentence. Il est vrai que pour Ferrand de Portugal la rupture avec l’Angleterre aurait entraîné la ruine de ses provinces car, si l’Europe était tributaire de la Flandre pour les draps, la laine que travaillaient les Flamants venait d’Angleterre ; elle faisait l’objet d’un commerce considérable. Un refus de vendre et c’était la misère pour les cités populeuses, pour Bruges, Gand, Ypres, Lille, Douais, Saint-Omer... Mais devant l’ampleur de la coalition, fort du soutien de ses nouveaux alliés, Ferrand de Portugal entreprit la reconquête des deux ville perdues.

 

A pâques 1214, il essaie de prendre en vain, la ville d’Aire qui résiste ; au bout de trois semaines, Ferrand de Portugal lève le siège et le 27 juillet 1214, il sera fait prisonnier à Bouvines. Le suzerain a eu raison de son vassal désormais claquemuré dans le château de Louvre. La Flandre sera sagement administrée par la Comtesse Jeanne, l’épouse de Ferrand, la fille de Baudouin IX. Aire, à nouveau française, sera l’objet des sollicitudes juridiques de la part de Louis de France. Ce prince élargit l’exercice de la justice échevinale aux limites de la banlieue. Dorénavant, il existe « une loi de la ville », privilège considérable accordé aux échevins qui trouvent une confirmation plus que rassurante de la Charte de l’Amitié de 1188. Ils ont autorité sur le droit civil et sur le droit pénal. Ils jugent et prononcent les sentences sous la tutelle du bailli, le représentant du Roi. Les rôles entre le bailli et les échevins sont bien départis : le bailli et ses officiers instruisent, les échevins apprécient la gravité du délit et ces derniers s’aperçoivent que les accusations portées contre l’inculpé sont fallacieuses ou truquées, ils admonestent, avec l’accord du Roi, le bailli qui peut être sévèrement sanctionné. Ce système judiciaire compartimenté en quelque sorte une garantie des droits d’innocence.

 

Ainsi, peu à peu, à partir de l’antique castrum, du chapitre des Chanoines et la Collégiale, véritable pôle religieux et culturel la commune d’Aire s’est-elle constituée. Les pouvoirs économique, judiciaire et civil se mettent en place à l’aube du XIIIe siècle ; les Airois ont créé leur ville qu’ils espèrent prospère et pourquoi pas inexpugnable par son rempart. D’ailleurs, un nouveau château fort, un château à la « Philippe Auguste » est même construit. Comme le Louvre le château d’Aire est devant la muraille, entouré de douves ; il s’inscrit dans le complexe défensif médiéval. Muraille en brique, fossés et marais, château fort en sentinelle sont les artisans de la richesse et de l’identité de la cité.

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